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QUATRE CENT QUARANTE.

la liberté expirant sous les coups que lui ont porté quelques hommes qui fondoient sur l’ancienne tyrannie les droits d’une tyrannie nouvelle. S’il fut un homme estimable, vertueux, il a été le contemporain des monstres : il a été étouffé par eux : & ce tableau de la vertu foulée aux pieds, n’est que trop vrai, sans doute, mais il est tout aussi dangereux à présenter. Il n’appartient qu’à un homme fait, de contempler ce tableau sans pâlir, & d’en ressentir même une joie secrette, en voyant le triomphe passager du crime, & le sort éternel qui doit appartenir à la vertu. Mais pour les enfans ; il faut éloigner ce tableau, il faut qu’ils contractent une habitude heureuse avec les notions d’ordre & d’équité, & en composer, pour ainsi dire, la substance de leur ame. Ce n’est point cette morale oisive qui consiste en questions frivoles, que nous leur enseignons : c’est une morale pratique qui s’applique à chacune de leurs actions, qui parle par images, qui forme leurs cœurs à la douceur, au courage, au sacrifice de l’amour-propre, ou pour dire tout, en un mot, à la générosité.

Nous avons assez de mépris pour la métaphysique cet espace ténébreux où chacun édifioit un systême chimérique & toujours inutile. C’est-là qu’on alloit puiser des images imparfaites de la divinité, qu’on défiguroit son essence à force de subtiliser sur ses