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L’AN DEUX MILLE

nesques ou corrompus, qui ont pâli les premiers devant leur idole, sont éteints avec les panégyristes des princes de la terre[1]. Quoi ! le tems est court & rapide, & nous employerions le loisir de nos enfans à arranger dans leur mémoire des noms, des dates, des faits innombrables, des arbres généalogiques ? Quelles futilités misérables, lorsqu’on a devant les yeux le vaste champ de la morale & de la physique ! Envain dira-t-on que l’histoire fournit des exemples qui peuvent instruire les siecles suivans, exemples pernicieux & pervers[2], qui ne servent qu’à enseigner le despotisme, à le rendre plus fier, plus terrible, en montrant les humains toujours soumis comme un troupeau d’esclaves, & les efforts impuissans de

  1. Depuis Pharamond jusqu’à Henri IV, à peine compte-t-on deux rois, je ne dis pas qui ayent sû règner, mais qui ayent sû mettre dans l’administration publique le bon sens qu’un particulier employe dans l’économie de sa maison.
  2. La scene change, il est vrai, dans l’histoire, mais le plus souvent pour amener de nouveaux malheurs ; car avec les rois c’est une chaîne indissoluble de calamités. Un roi à son avenement au trône, croiroit ne pas règner s’il suivoit les anciens plans. Il faut abimer les anciens systêmes qui ont coûté tant de sang, & en établir de nouveaux ; ils ne s’accordent pas avec les premiers, & ne deviennent pas moins préjudiciables que ceux-ci étoient nuisibles.