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QUATRE CENT QUARANTE.

rassemble à un certain âge les réflexions les plus épurées qu’il a eues pendant sa vie. Avant sa mort il en forme un livre plus ou moins gros, selon sa maniere de voir & de s’exprimer : ce livre est l’ame du défunt. On le lit le jour de ses funérailles à haute voix, & cette lecture compose tout son éloge. Les enfans rassemblent avec respect toutes les pensées de leurs ancêtres, & les méditent. Telles sont nos urnes funebres. Je crois que cela vaut bien vos somptueux mausolées, vos tombeaux chargés de mauvaises inscriptions, que dictoit l’orgueil et que gravoit la bassesse.

C’est ainsi que nous nous faisons un devoir de tracer à nos descendans une image vivante de notre vie. Ce souvenir honnorable sera le seul bien qui nous restera alors sur la terre[1]. Nous ne le négligeons pas. Ce sont des leçons immortelles que nous laissons à nos descendans ; ils nous en aimeront davantage. Les portraits & les statues n’offrent que les traits corporels. Pourquoi ne pas représenter l’ame elle même & les sentimens vertueux qui l’ont affectée ? Ils se multiplient sous nos expressions animées par l’amour. L’histoire de nos pensées, & celle de nos actions instruit notre famille. Elle apprend par le choix &

  1. Cicéron se demandoit souvent à lui-même ce qu’on diroit de lui après sa mort ? L’homme qui ne fait aucun cas d’une bonne réputation, négligera les moyens de l’acquérir.