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L’AN DEUX MILLE

que écrivain répond en personne de ce qu’il écrit, & ne déguise jamais son nom. C’est le public qui le frape d’opprobre, s’il contredit les principes sacrés qui servent de base à la conduite & à la probité des hommes ; mais c’est lui en même tems qui le soutient s’il a avancé quelque vérité neuve, propre à réprimer certains abus : enfin la voix publique est seule juge dans ces sortes de cas, & c’est elle qu’on écoute. Tout auteur, qui est un homme public, est jugé par cette voix générale, & non par les caprices d’un homme qui rarement aura le coup d’œil assez juste, assez étendu pour découvrir ce qui devant la nation sera véritablement digne de louange ou de blâme.

On l’a tant de fois prouvé ; la liberté de la presse est la vraie mesure de la liberté civile[1]. On ne peut donner atteinte à l’une sans détruire l’autre. La pensée doit avoir son plein effet. Y mettre un frein, vouloir l’étouffer dans son sanctuaire, c’est un crime de leze-humanité. Et qui m’apartiendra donc, si ma pensée n’est pas à moi ?

Mais, repris-je, de mon tems les hommes en place ne redoutoient rien tant que la plume des bons écrivains. Leur ame orgueilleuse & coupable frémissoit dans ses derniers replis, dès que l’équité osoit dévoiler ce qu’ils n’a-

  1. Ceci équivaut à une démonstration géométrique.