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L’AN DEUX MILLE

nistres de douleur accumuloient les tortures pour le plaisir affreux d’imprimer un long supplice à des êtres sensibles & plaintifs.

Enfin, pour abréger [car je serois trop long, ] on ne savoit pas même de votre tems faire travailler les mendians ; toute la science de votre gouvernement consistoit à les enfermer & à les faire mourir de faim. Ces malheureux expirans d’une mort lente dans un coin du royaume, ont cependant fait parvenir jusqu’à nous leurs gémissemens : nous n’avons point dédaigné leurs obscures clameurs ; elles ont percé l’intervalle de sept siécles : et cette basse tyrannie suffit à en révéler mille autres.

Je baissois les yeux & n’osois répondre ; car j’avois été témoin de ces turpitudes, & je n’avois pû que gémir, ne pouvant faire mieux[1]. Je gardai le silence quelque tems, et je repris en lui disant : Ah ! ne renouvellez pas les blessures de mon cœur. Dieu a réparé les maux que leur ont fait les humains, il a puni ces cœurs durs ; vous savez… Mais allons en avant. Vous avez, je crois, laissé subsister un de nos vices politiques. Paris me paroît aussi peuplé que de mon tems ; il étoit prouvé que la

  1. J’aurai satisfait mon cœur & la justice en dénonçant cet attentat contre l’humanité, attentat horrible qu’on aura peine à croire ; mais, hélas, il subsiste encore.