Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
QUATRE CENT QUARANTE.

sain n’a pas besoin de cautère. Le luxe, comme un caustique brûlant, avoit gangrené chez vous les parties les plus saines de l’État, & votre corps politique étoit tout couvert d’ulcères. Au lieu de fermer doucement ces playes honteuses, vous les envenimiez encore. Vous comptiez étouffer le crime sous le poids de la cruauté. Vous étiez inhumains, parce que vous n’aviez pas su faire de bonnes loix[1].

Il vous étoit plus facile de tourmenter le coupable & le malheureux, que de prévenir le désordre & la misère. Votre violence barbare n’a fait qu’endurcir les cœurs criminels ; vous y avez fait entrer le désespoir. Et qu’avez-vous recueilli ? Des larmes, des cris de rage, & des malédictions. Vous sembliez avoir modelé vos maisons de force sur cet horrible séjour que vous nommiez l’enfer, où des mi-

    votre vigilance sur leur horrible esclavage. Vous ne paroissez que pour le redoubler. Quoi ? on pourroit leur mettre un boulet de cent livres aux pieds, & les faire travailler en plein champ. Mais, non ; il est des victimes d’un despotisme arbitraire qu’on veut dérober à tous les regards… J’entends.

  1. Eh ! oui, magistrats, c’est votre ignorance, c’est votre paresse, c’est votre précipitation qui cause le désespoir du pauvre. Vous l’emprisonnez pour une vêtille, vous le couchez à côté d’un scélérat, vous aigrissez, vous empoisonnez son ame, vous l’oubliez dans la foule des malheureux ; mais lui se souvient de votre injustice : comme vous n’avez point mis de proportion entre le délit & la punition, il vous imitera, & tout lui deviendra égal.