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L’AN DEUX MILLE

exhaloit, se trouve dispersé & n’est plus dangereux à la capitale. D’ailleurs les malades ne sont pas conduits dans ces hôpitaux par l’extrême indigence : ils n’arrivent point déja frappés de l’idée de mort, & pour s’assurer uniquement de leur sépulture ; ils viennent, parce que les secours y sont plus promts, plus multipliés que dans leurs propres foyers. On ne voit plus ce mélange horrible, cette confusion révoltante, qui annonçoit plutôt un séjour de vengeance qu’un séjour de charité. Chaque malade a son lit, & peut expirer sans accuser la nature humaine. On a revisé les comptes des directeurs. Ô honte ! ô douleur ! ô forfait incroyable sous la voûte du ciel ! des hommes dénaturés s’engraissoient de la substance des pauvres ; ils étoient heureux des douleurs de leurs semblables ; ils avoient conclu un marché avantageux avec la mort… Je m’arrê-

    de la riviére qui coule auprès, reçoit toutes les immondices, & cette eau qui contient tous les germes de la corruption, abreuve la moitié de la ville. Dans le bras de la rivière, qui baigne le quai Pelletier, & entre les deux ponts, nombre de teinturiers répandent leur teinture trois fois par semaine. J’ai vu l’eau en conserver une couleur noire pendant plus de six heures. L’arche qui compose le quai de Gevres est un foyer pestilentiel. Toute cette partie de ville boit une eau infecte, & respire un air empoisonné. L’argent qu’on prodigue en fusées volantes, suffiroit à la cessation d’un tel fléau.