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de l’opulence, & de l’autre une race de commis, scribes insolens, pousser l’impertinente paresse aussi loin qu’elle pouvoit monter, je révai, comme Josué, que j’arrêtois le cours du soleil ; il penchoit vers son déclin, il s’arrêta à ma prière comme au tems de ce général Juif, & mon intention, je pense, étoit meilleure que la sienne.

J’étois déja dans la campagne, porté dans une voiture, laquelle n’étoit pas un pot-de-chambre[1]. Il fallut faire un détour, parce que la grande route étoit changée.

En passant par un village je vis une troupe de paysans, les yeux baissés & humides de larmes, qui entroient dans un temple. Ce spectacle me frappa. Je fis arrêter ma voiture & je les suivis. Je vis au milieu de la nef un vieillard décédé en habit de paysan, & dont les cheveux blancs pendoient jusqu’à terre. Le pasteur du lieu monta sur une petite estrade, & dit à la troupe assemblée,


Citoyens,

« L’homme que vous voyez a été pendant quatre-vingt-dix ans le bienfaiteur des

  1. C’est le nom des carrosses qui conduisent à la cour. Ils sont ordinairement à l’usage du peuple de valets qui pullule dans Versailles ; & en ce sens ils voiturent en effet ce qu’il y a de plus vil en France.