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dans leur dépendance, comme marquée dans l’empire d’un souverain que vous ne connoissez pas même de nom. Vous êtes tous désignés pour recevoir des loix nouvelles. On fouillera votre sol, on dépouillera vos arbres fruitiers, on saisira vos personnes. Cette égalité précieuse, qui regne parmi vous, sera détruite. Peut-être le sang humain arrosera ces fleurs qui se courbent sous le poids de vos innocentes caresses. L’amour est le dieu de cette isle. Elle est consacrée, pour ainsi dire, à son culte. La haine & la vengeance prendront sa place. Vous ignorez jusqu’à l’usage des armes ; on vous apprendra ce que c’est que la guerre, le meurtre & l’esclavage… »

À ces mots ce peuple pâlit & demeura consterné. C’est ainsi qu’une troupe d’enfans, qu’on interrompt dans leurs aimables jeux, palpitent d’effroi, lorsqu’une voix sévere leur annonce la fin du monde & fait entrer dans leur jeune cerveau l’idée des calamités qu’ils ne soupçonnoient pas.

L’orateur reprit : « Peuples que j’aime & qui m’avez attendri ! Il est un moyen de vous conserver heureux & libres. Que tout étranger qui débarquera sur cette rive fortunée soit immolé au bonheur du pays. L’arrêt est cruel ; mais l’amour de vos enfans & de votre postérité doit vous faire chérir cette barbarie. Vous frémiriez bien plus, si je vous annonçois les horreurs que