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notre roi a donné un édit utile & qui mérite l’approbation publique, alors on nous voit courir en foule & porter dans ce tronc quelque marque de reconnoissance. Nous récompensons de même toutes les actions vigilantes du monarque : il n’a qu’à proposer, & nous lui fournissons les moyens de consommer ses grands projets. Il y a un pareil tronc dans chaque quartier. Chaque ville de province a un pareil coffre qui re-

    la mesure de nos forces, & qui ne nous écrase pas sous le fardeau que dans une plus juste proportion nous aurions porté avec joie. Alors tranquilles & riches de notre économie, contens de notre sort, nous verrons le bonheur des autres sans nulle inquiétude sur le nôtre.

    La moitié de notre carriere est plus que remplie. Notre cœur est à moitié livré à la douleur. Nous n’avons que peu d’instans à vivre. Les vœux que nous formons sont plus pour la patrie que pour nous-mêmes. Nous sommes ses soutiens. Mais si l’oppression va toujours en croissant, nous succomberons, & la patrie se renversera : en tombant elle écrasera nos tyrans. Nous ne demandons point cette vaine & triste vengeance. Que nous importeroit dans la tombe le malheur d’autrui ? Nous parlons aux souverains, s’ils sont encore hommes : mais si leur cœur est totalement endurci, ils apprendront que nous savons mourir, & que la mort qui bientôt nous enveloppera tous sera un jour bien plus affreuse pour eux qu’elle ne le sera pour nous.

    Cette note est en partie tirée d’un livre intitulé : Les Hommes.