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Nos femmes sont ce qu’elles étoient chez les anciens Gaulois, des objets aimables & vrais, que nous respectons, que nous consultons dans toutes nos affaires. Elles n’affectent point ce misérable jargon du bel esprit[1], si fort en vogue parmi vous. Elles ne se mêlent point d’assigner le rang aux différens génies. Elles se contentent d’avoir du bon sens, qualité bien préférable à ces éclairs artificiels, frivoles amusemens de l’oisiveté. L’amour, ce principe fécond des plus rares vertus, préside & veille aux intérêts de la patrie. Plus on goûte de bonheur dans son sein, plus elle devient chère. Jugez de notre attachement pour elle. Les femmes y ont sans doute gagné. Au lieu de ces vains & fastidieux plaisirs qu’elles poursuivoient par vanité, elles ont toute notre tendresse, elles jouissent de notre estime, elles goûtent une félicité plus solide & plus pure dans la possession de nos cœurs que dans ces voluptés passagères dont la tris-

  1. Une femme est bien mal-habile de vouloir montrer de l’esprit à tout propos. Elle devroit, au contraire, mettre tout son art à le cacher. En effet que cherchons-nous, nous autres hommes ? De l’innocence, de l’ingénuité, une ame neuve, simple, franche, une intéressante timidité. Une femme qui fait briller son savoir, semble donc vous dire : « Messieurs, attachez-vous à moi ; j’ai de l’esprit ; je serai plus perfide, plus fausse, plus artificielle qu’une autre. »