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faste, qui n’est bon à rien & qui a perdu tant d’États & deshonoré tant de souverains[1]. Ces palais dorés, lui dit-on, sont comme ces décorations théâtrales où du carton paroit de l’or massif. L’enfant croit voir un palais réel. Ne soyez pas un enfant. La pompe & la représentation ont été des abus introduits par l’orgueil & la politique. On faisoit parade de ce faste pour inspirer plus de respect & de crainte. Par ce moyen les sujets contractoient un génie servile, & se sont accoutumés au joug. Mais un roi s’est-il jamais avili en se mettant au niveau de ses sujets ? Que sont des représentations vaines & journalières auprès de cet air ouvert & affable qui les attire vers sa personne ? Les besoins du monarque ne sont pas plus étendus que ceux du dernier de ses sujets. « Il n’a qu’un estomac, comme un bouvier, disoit J. J. Rousseau » : S’il veut goûter la plus pure de toutes les jouissances, qu’il goûte le plaisir d’être aimé, & qu’il s’en rende digne[2].

  1. Le luxe, qui est la cause de la destruction des États & qui fait fouler aux pieds toutes les vertus, prend sa source dans ces cours corrompues, dont chacun vient prendre le ton.
  2. Le duc *** premier du nom de Wirtemberg, étant à diner chez un prince souverain, son voisin, avec quelques autres petits potentats, chacun vint à parler de ses forces & de sa puissance. Après les avoir laissé parler tous, le duc leur dit : « Je n’envie