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appellerai alors, & vous me sauverez de l’homme injuste & puissant…

Le jeune prince commet-il quelque faute, quelque imprudence caractérisée, le lendemain il voit cette faute à jamais gravée dans les nouvelles publiques[1]. Il s’étonne quelquefois, il s’indigne. On lui répond froidement ; « il est un tribunal intègre & vigilant qui écrit chaque jour toutes les actions des princes. La postérité saura & jugera tout ce que vous aurez dit & fait : il ne tient qu’à vous de la faire parler d’une manière honorable ». Si le jeune prince rentre en lui-même & répare sa faute, alors les nouvelles du lendemain annoncent ce trait d’un heureux caractère, & donnent à cette action noble tous les éloges qu’elle mérite[2].

Mais ce qu’on lui recommande plus fortement, ce qu’on lui imprime sous des images plus multipliées, c’est cette horreur du

  1. Je voudrois qu’un prince fût quelquefois curieux de savoir quelle est l’idée du public sur son compte, il apprendroit dans un quart-d’heure de quoi méditer le reste de sa vie.
  2. Tu dis : « je ne redoute point l’épée des hommes, je suis brave ». Tu te trompes. Pour l’être en effet, il faut encore ne craindre, ni leur langue, ni leur plume. Mais en ce sens les plus grands rois de la terre ont été de tout tems les plus grands poltrons. Le gazetier d’Amsterdam empêchoit Louis XIV de sommeiller.