Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tentifs à leur charge & à leur devoir ; sa confiance en eux soulage leurs peines, & son autorité donne la force & la vigueur nécessaires à leurs décisions. Ainsi le sceptre, dont la pesanteur opprimoit vos rois, est léger dans les mains de notre monarque. Ce n’est plus une victime pompeusement parée, incessamment sacrifiée aux besoins de l’État : il ne porte que le fardeau que lui permet la force limitée qu’il a reçue de la nature.

Nous possédons un prince craignant Dieu, pieux & juste, qui porte dans son cœur l’éternel & la patrie, qui redoute la vengeance divine & le blâme de la postérité, & qui

    injustices, les iniquités, qui par un effet inévitable hâteront sa ruine. Qu’importe de périr par plusieurs ou par un seul ? Le malheur est égal. Qu’importe que la tyrannie ait cent bras, si un seul se porte d’un bout de l’empire à l’autre, s’il pese sur tous les individus, s’il se régenere à l’instant même où il est coupé ? D’ailleurs ce n’est pas le despotisme qui effraye, qui épouvante ; c’est sa propagation. Les visirs, les pachas, &c. imitent le maître, ils égorgent en attendant qu’ils soient égorgés. Dans les gouvernemens d’Europe, la réaction simultanée de tous les corps, leurs chocs entretiennent des momens d’équilibre pendant lesquels le peuple respire : les limites de leur pouvoir respectif, perpétuellement dérangées, tiennent lieu de liberté, & le fantôme console au moins de ne pouvoir atteindre à la réalité.