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mi sur une base d’autant plus solide que la liberté de la nation garantit sa couronne[1]. Des ames qui n’auroient été que communes doivent leurs vertus à ce ressort éternel des grandes choses. Le citoyen n’est point séparé de l’État ; il fait corps avec lui[2] :

    & que celui qui ne le fait pas est le plus à plaindre. Pourquoi le roi qui fait son devoir seroit-il le plus misérable de tous les hommes ? Seroit-ce à cause de la multiplicité de ses travaux ? Mais un travail heureux est une vraie jouissance. Comptera-t-il pour rien cette satisfaction intime qui naît de l’idée d’avoir fait le bonheur des hommes ? Croira-t-il que la vertu ne porte pas avec elle sa récompense ? Universellement aimé, & seulement haï des méchans, pourquoi son cœur demeureroit-il fermé aux plaisirs ? Qui n’a pas éprouvé le contentement d’avoir accompli le bien ? Le roi qui ne remplit pas ses devoirs, est le plus à plaindre. Rien de plus juste, si toutefois il est sensible aux remords & à l’opprobre : s’il ne l’est pas, il est encore plus à plaindre. Rien de mieux vu que cette derniere proposition.

  1. Il est bon à tout État, fût-il républicain, d’avoir un chef, en limitant toutefois son pouvoir. C’est un simulacre qui en impose à l’ambitieux qui étouffe tout projet dans son cœur. Alors la royauté est comme cet épouvantail qu’on place dans un jardin, il écarte les moineaux qui viendroient pour manger le grain.
  2. Ceux qui ont dit que dans les monarchies les rois sont dépositaires des volontés de la nation, ont dit une absurdité. Est-il en effet rien de plus ridicule que des êtres intelligens comme les hommes