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figurés ; des mendians enfin, au lieu d’habitans. On connoissoit tous ces maux : on fuyoit des principes évidens pour embrasser le systême de la cupidité[1] ; & les ombres qu’elle faisoit naître autorisoient la déprédation générale.

Le croiriez-vous ? La révolution s’est opérée sans efforts, & par l’héroïsme d’un grand homme. Un roi philosophe, digne du trône puisqu’il le dédaignoit, plus jaloux du bonheur des hommes que de ce fantôme de pouvoir, redoutant sa postérité & se redoutant lui-même, offrit de remettre les États en possession de leurs anciennes prérogatives : il sentit qu’un royaume étendu avoit besoin de la réunion des différentes provinces pour être gouverné sagement. Comme dans le corps humain, outre la circulation générale, chaque partie a sa circulation particuliere, ainsi chaque province, en obéissant aux loix générales, modifie ses loix particulieres d’après son sol, sa position, son commerce, ses intérêts respectifs. Par-là tout vit, tout fleurit. Les provinces ne sont

  1. Un Intendant voulant donner à la **** qui passoit à Soissons, une image de l’abondance qui régnoit en France, fit arracher les arbres fruitiers d’alentour, & les fit planter dans les rues de la ville qu’on dépava ; les arbres étoient entrelacés de guirlandes de papier doré. Cet Intendant étoit, sans le savoir, un très grand peintre.