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et vous accusiez imbécillement l’auteur de la nature, tandis qu’il vous avoit donné l’intelligence & le courage pour vous gouverner. Il n’a fallu qu’une voix forte pour réveiller la multitude d’un sommeil d’engourdissement. Si l’oppression tonnoit sur vos têtes, vous ne deviez en accuser que votre foiblesse. La liberté & le bonheur appartiennent à qui ose les saisir. Tout est révolution dans ce monde : la plus heureuse de toutes a eu son point de maturité, & nous en recueillons les fruits[1].

Sortis de l’oppression, nous n’avons eu garde de remettre toutes les forces & tous les ressorts du gouvernement, tous les droits & l’attribut de la puissance dans les mains d’un seul homme[2] : instruits par les mal-

  1. À certains États il est une époque qui devient nécessaire ; époque terrible, sanglante, mais le signal de la liberté. C’est de la guerre civile dont je parle. C’est-là que s’élèvent tous les grands hommes, les uns attaquant, les autres défendant la liberté. La guerre civile déploye les talens les plus cachés. Des hommes extraordinaires s’élèvent & paroissent dignes de commander des hommes. C’est un remede affreux ! mais après la stupeur de l’État, après l’engourdissement des ames il devient nécessaire.
  2. Le gouvernement despotique n’est qu’une ligue du Souverain avec un petit nombre de sujets favorises pour tromper & dépouiller tous les autres. Alors