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QUATRE CENT QUARANTE.

Vous m’avouerez, par exemple, que dans une ville bien policée, où le gouvernement défend tout combat & répond de la vie de chaque particulier, il est inutile, pour ne pas dire indécent, de s’embarrasser les jambes d’une arme meurtrière, & de mettre une épée à son côté pour aller parler à Dieu, aux femmes & à ses amis : c’est tout ce que pourroit faire le soldat dans une ville assiégée. Dans votre siécle on tenoit encore au vieux préjugé de la gothique chevalerie ; c’étoit une marque d’honneur de traîner toujours une arme offensive ; & j’ai lu dans un des ouvrages de votre tems, que le foible vieillard faisoit encore parade d’un fer inutile.

Que votre habillement est gênant & mal sain ! Vos épaules & vos bras sont emprisonnés, votre corps est comprimé, votre poitrine est serrée, vous ne respirez pas. Et pourquoi, s’il vous plait, exposer vos cuisses & vos jambes à l’intempérie des saisons ?

Chaque tems amène de nouvelles modes ; mais ou je suis bien trompé, ou la nôtre est aussi agréable que salutaire : voyez. En effet, la manière dont il étoit habillé, quoique nouvelle pour moi, n’avoit rien qui me déplut. Son chapeau n’avoit plus cette couleur triste et lugubre, ni ces cornes embarrassantes[1] : il n’en restoit que la calotte,

  1. Si j’écrivois l’histoire de France, je m’étendrois