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créateur qui les animoit. Les animaux plus doux, ou plus ingénieux, n’avoient rien perdu de leur physionomie : ruse, industrie, patience, l’art avoit tout rendu. L’histoire naturelle de chaque animal étoit gravée à côté de lui, & des hommes expliquoient verbalement ce qu’il eût été trop long de mettre par écrit.

L’échelle des êtres, si combattue de nos jours, & que plusieurs philosophes avoient judicieusement soupçonnée, avoient alors reçu le trait de l’évidence. On voyoit distinctement que les espèces se touchent, se fondent, pour ainsi dire, l’une dans l’autre ; que par des passages délicats & sensibles, depuis la pierre brute jusqu’à la plante, depuis la plante jusqu’à l’animal, & depuis l’animal jusqu’à l’homme rien n’étoit interrompu, que les mêmes causes enfin d’accroissement, de durée & de destruction, leur étoient communes. On avoit remarqué que la nature dans toutes ses opérations tendoit avec énergie à former l’homme, & qu’élaborant patiemment & même de loin cet important ouvrage, elle s’essayoit à plusieurs reprises pour arriver à ce terme graduel de sa perfection, lequel semble le dernier effort qui lui soit réservé.

Ce cabinet n’étoit point un cahos, un amas indigeste, où les objets épars ou entassés ne donnoient aucune idée nette ou précise. La gradation étoit savamment ména-