Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous avons peine à croire qu’on ait lu cet ouvrage pendant plus de cinquante années. — Mais du moins ses oraisons funèbres… — Nous ont fort irrité contre lui. C’étoit bien là le misérable langage de la servitude & de la flatterie. Qu’est-ce qu’un ministre du dieu de paix, du dieu de vérité, qui monte en chaire pour louer un politique sombre, un ministre avare, une femme vulgaire, un héros meurtrier, & qui tout occupé, comme un poëte, d’une description de bataille, ne laisse pas échapper un seul soupir sur cet horrible fléau qui désole la terre ? En ce moment il ne pensoit point à soutenir les droits de l’humanité, à présenter au monarque ambitieux, par l’organe sacré de la religion, des vérités fortes & terribles ; il songeoit plutôt à faire dire : voilà un homme qui parle bien ; il fait l’éloge des morts lorsque leurs cendres sont encore tièdes : à plus forte raison donnera-t-il une bonne dose d’encens aux rois qui ne sont pas décédés.

Nous ne sommes point amis de ce Bossuet. Outre qu’il étoit un homme orgueilleux, dur, un courtisan souple & ambitieux, c’est lui qui a accrédité ces oraisons funèbres qui depuis se sont multipliées comme les flambeaux funéraires, & qui, comme eux, exhalent en passant une odeur empoisonnée. Ce genre nous a paru le plus mauvais, le plus futile, le plus dangereux de tous, parce qu’il étoit tout à la fois faux, froid, menteur, fade, impudent ; en ce qu’il contredisoit tou-