leur faisions de manquer de goût étoit effacé devant des hommes qui, amoureux d’idées vraies & fortes, se donnoient la peine de lire & savoient ensuite méditer sur leur lecture. On avoit retranché cependant du nombre des philosophes ces sceptiques dangereux qui avoient voulu ébranler les fondemens de la morale. Ce peuple vertueux, conduit par le sentiment, avoit dédaigné ces vaines subtilités, & rien n’avoit pu lui persuader que la vertu fût une chimere.
La quatrième armoire offroit les livres italiens. La Jérusalem délivrée, le plus beau des poëmes connus, étoit à la tête. On avoit brûlé une bibliothéque entière de critiques faites contre ce poëme enchanteur. Le fameux traité des délits & des peines avoit reçu toute la perfection dont cet important ouvrage étoit susceptible. Je fus agréablement surpris en voyant nombre d’ouvrages pensés & philosophiques sortis du sein de cette nation ; elle avoit brisé le talisman qui sembloit devoir perpétuer chez elle la superstition & l’ignorance.
Enfin j’arrivai en face des écrivains françois. Je portai une main avide sur les trois premiers volumes : c’étoient Descartes, Montaigne & Charron. Montaigne avoit souffert
sans y mêler la sensibilité du cœur : il nous mène par l’attrait des récompenses, parce qu’il a fait de nous des êtres sensibles.