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salue, majestueuses ténèbres ! élevez mon ame en éclipsant à mes yeux la scène changeante du monde ; découvrez-moi le trône radieux où siége l’auguste vérité.

Mon oreille a suivi le vol de l’oiseau solitaire : bientôt il s’abat sur des ossemens, & d’un coup d’aîle il fait rouler avec un bruit sourd une tête où logeoient jadis l’ambition, l’orgueil & des projets follement audacieux.

Tour-à-tour il repose, & sur la froide pierre où l’ostentation a gravé des noms qu’on ne lit plus, & sur la fosse du pauvre couronné de fleurs.

Poussiere de l’homme orgueilleux ! disparois pour jamais de l’univers. Vous osez donc encore reproduire des titres chimériques ! Misérable vanité dans l’empire de la mort ! J’ai vu des os en poudre enfermés dans un triple cercueil, qui refusoient de mêler leurs cendres aux cendres de leurs semblables.

Approche, mortel superbe ; jette un coup d’œil sur ces tombeaux. Qu’importe un nom à ce qui n’a plus de nom ! Une épitaphe mensongère soutient ces tristes syllabes dans un jour plus désavantageux que la nuit de l’oubli ; c’est une banderolle flottante, qui surnage un moment & qui va bientôt suivre le navire englouti.

Ô ! que plus heureux est celui qui n’a point bâti de vaines pyramides, mais qui a suivi constamment le chemin de l’honneur & de la vertu. Il a regardé le ciel, en voyant tom-