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n’est plus eux, elle va se mêler à la cendre de leurs égaux, & l’on n’attache aucune idée à cette dépouille périssable.

Nous ne connoissons point ces épitaphes, ces mausolées, ces mensonges orgueilleux et puérils[1]. Les rois même, à leur décès, ne remplissent point d’une feinte terreur leurs vastes palais ; ils ne sont pas plus flattés à leur mort que pendant leur vie. En descendant dans le cercueil, leurs mains glacées n’achevent point d’arracher encore une partie de nos biens : ils meurent sans ruiner une ville[2].

  1. Ô mort, je te bénis ! C’est toi qui frappes les tyrans, qui en purges la terre, qui mets un frein à la cruauté & l’ambition ; c’est toi qui confonds dans la poussiere ceux que le monde avoit flattés & qui regardoient les hommes avec mépris : ils tombent, & nous respirons. Sans toi nos maux seroient éternels. Ô mort qui tiens en respect les hommes durs & heureux, qui jettes l’effroi dans leurs cœurs coupables, espoir des infortunés, acheve d’étendre ton bras sur les persécuteurs de ma patrie : & vous, insectes dévorans, qui peuplez les sépulchres, mes amis, mes vengeurs, venez, accourez tous en foule sur ces cadavres engraissés de crimes.
  2. À ces pompes funebres qui conduisent superbement les rois dans un caveau obscur, à ces cérémonies lugubres, à ces festins, à ces emblèmes multipliés de la douleur publique, à ce deuil universel, il ne manque rien qu’une seule larme sincère.