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vent l’humanité ! Nos auteurs dramatiques n’ont d’autre but que la perfection de la nature humaine, ils tendent tous à élever, à affermir l’ame, à la rendre indépendante & vertueuse. Les bons citoyens se montrent empressés, assidus à ces chef-d’œuvres, qui remuent, intéressent, entretiennent dans les cœurs cette émotion salutaire qui dispose à la pitié : caractère distinctif de la véritable grandeur[1].

Nous arrivames sur une belle place, au milieu de laquelle étoit situé un édifice d’une composition majestueuse. Sur le haut de la façade étoient plusieurs figures allégoriques. À droite, Thalie arrachoit au vice un masque dont il étoit couvert, & du bout du doigt montroit sa laideur. À gauche, Melpomène

  1. Quelle force, quelle énergie, quel triomphe assuré n’auroit pas notre theâtre, si notre gouvernement, au lieu de le regarder comme l’asyle des hommes oisifs, le considéroit comme l’école des vertus & des devoirs de citoyen ? Mais qu’ont fait nos plus beaux génies ? Ils ont puisé leurs sujets chez les Grecs, chez les Romains, chez les Perses, &c ; ils nous ont présenté des mœurs étrangères ou plutôt factices : poëtes harmonieux, peintres infidèles, ils ont fait des tableaux de fantaisie ; avec leurs héros, leurs vers ampoulés, leur couleur monotone, leurs cinq actes, ils ont gâté l’art dramatique, qui n’est autre chose qu’une peinture simple, fidèle, animée des mœurs contemporaines & subsistantes.