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la plus pure farine pour ne laisser aux autres que le son ; cet outrage inconcevable seroit un crime honteux. S’il parvenoit à nos oreilles qu’un seul eût ressenti la langueur de la faim, nous nous regarderions tous comme coupables de ses maux, & la nation entière seroit dans les larmes.

Ainsi le plus pauvre est affranchi de toute inquiétude sur ses besoins. La famine, comme un spectre menaçant, ne l’arrache point du grabat où il goûtoit pour quelques minutes l’oubli de ses douleurs. Il s’éveille sans regarder tristement les premiers rayons du soleil. S’il appaise le sentiment de la faim, il ne craint point en touchant les alimens de porter du poison dans ses veines.

Ceux qui possédent des richesses, les employent à faire des expériences neuves & utiles, qui servent à approfondir une science, à porter un art vers sa perfection ; ils élèvent des édifices majestueux ; ils se distinguent par des entreprises honorables : leur fortune ne s’écoule pas dans le sein impur d’une concubine, ou sur une table criminelle où roulent trois dés ; leur fortune prend une forme, une consistance respectable aux yeux charmés des citoyens. Aussi les traits de l’envie n’attaquent point leurs possessions ; on bénit les mains généreuses qui, dépositaires des biens de la Providence, ont rempli ses vues en élevant ces monumens utiles.

Mais quand nous considérons les riches de