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Je jettai un cri de surprise & de joie. — Oui, me répondit-on avec une chaleur égale à mes transports ; la nature a enfin créé cet homme étonnant, cet homme immortel, qui devoit délivrer un monde de la tyrannie la plus atroce, la plus longue, la plus insultante. Son génie, son audace, sa patience, sa fermeté, sa vertueuse vengeance ont été récompensés : il a brisé les fers de ses compatriotes. Tant d’esclaves opprimés sous le plus odieux esclavage, sembloient n’attendre que son signal pour former autant de héros. Le torrent qui brise ses digues, la foudre qui tombe, ont un effet moins prompt, moins violent. Dans le même instant ils ont versé le sang de leurs tyrans. François, Espagnols, Anglois, Hollandois, Portugais, tout a été la proie du fer, du poison & de la flamme. La terre de l’Amérique a bu avec avidité ce sang qu’elle attendoit depuis longtems, & les ossemens de leurs ancêtres lâchement égorgés ont paru s’élever alors & tressaillir de joie.

Les naturels ont repris leurs droits imprescriptibles, puisque c’étoient ceux de la nature. Cet héroïque vengeur a rendu libre un monde dont il est le dieu, & l’autre lui a décerné des hommages & des couronnes. Il est venu comme l’orage qui s’étend sur une ville criminelle que ses foudres vont écra-