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composoit sa figure, & cette couleur effrayante étoit ineffaçable, comme la mémoire de ses forfaits[1].

On voyoit dans le lointain l’Italie, cause originelle de tant de maux, premiere source des fureurs qui couvrirent les deux mondes, prosternée & le front contre terre, elle étouffoit sous ses pieds la torche ardente de l’excommunication ; elle sembloit n’oser avancer pour solliciter son pardon. Je voulus considérer de près les traits de son visage ; mais un coup de foudre recemment tombé l’avoit défiguré, & lorsque je m’approchai elle étoit méconnoissable & toute noircie des feux du tonnerre.

    dans les entrailles de la terre, soupirant après ce soleil qu’ils ont eu le malheur de voir & qu’ils ne verront plus, qui gémissent dans ces horribles cachots, autant de fois qu’ils respirent, & qui savent ne devoir sortir de cette nuit effroyable que pour entrer dans l’ombre éternelle de la mort ; alors un frisson intérieur parcourt tout mon être, je crois habiter les tombeaux qu’ils habitent, respirer avec eux l’odeur des flambeaux qui éclairent leur affreuse demeure, je vois l’or, idole de la terre, sous son véritable aspect, & je sens que la Providence doit attacher à ce même métal, source de tant de barbarie, le châtiment des maux innombrables qu’il a causés même avant de voir le jour.

  1. Vingt millions d’hommes ont été égorgés sous le fer de quelques Espagnols, & l’empire d’Espagne contient à peine sept millions d’ames !