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toit ses partis de Gomar & d’Arminius, & le supplice du vertueux Barnevelt. L’Allemagne cachoit son front altier, & ne voyoit qu’avec horreur l’histoire de ses divisions intestines, de ses fureurs énergumenes, de sa rage théologique, qui avoit singulierement contrasté avec sa froideur naturelle. La Pologne avoit en indignation ses méprisables confédérés, qui, de mon tems, déchirerent son sein & renouvellerent les atrocités des croisades. L’Espagne, plus coupable encore que ses sœurs, gémissoit d’avoir couvert le nouveau continent de trente-cinq millions de cadavres, d’avoir poursuivi les restes déplorables de mille nations dans le fond des forêts & dans les trous des rochers, d’avoir accoutumé des animaux, moins féroces qu’eux, à boire le sang humain[1]… Mais l’Espagne avoit beau gémir, supplier, elle ne devoit point obtenir son pardon ; le supplice lent de tant de malheureux condamnés aux mines devoit déposer à jamais contre elle[2]. Le statuaire avoit représenté plusieurs esclaves mutilés, qui crioient vengeance en regardant le ciel : on reculoit d’effroi, on croyoit entendre leurs cris. Un marbre veiné de sang

  1. Les Européens au nouveau monde, quel livre à faire !
  2. Lorsque je songe à ces infortunés qui ne tiennent à la nature que par la douleur, ensevelis vivans