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tant plus pénétré, que cette morale se trouvoit dans la bouche d’un parfait honnête homme. Je ne m’ennuyai point ; car le discours ne comportoit ni déclamation, ni portraits vagues, ni figures recherchées, & surtout point de lambeaux de poëtes décousus & fondus dans une prose qui en devient ordinairement plus froide[1].

C’est ainsi, me dit mon guide, que tous les matins on a coutume de faire une priére publique. Elle dure une heure, & le reste du jour les portes de l’édifice demeurent fermées. Nous n’avons guères de fêtes religieuses ; mais nous en avons de civiles, qui délassent le peuple sans le porter au libertinage. En aucun jour l’homme ne doit rester oisif : à l’exemple de la nature qui n’abandonne point ses fonctions, il doit se reprocher de quitter les siennes. Le repos n’est point l’oisiveté. L’inaction est un dommage réel fait à la patrie, & la

  1. Ce qui me déplaît sur-tout dans nos prédicateurs, c’est qu’ils n’ont point de principes stables & assurés en fait de morale ; ils puisent leurs idées dans leur texte & non dans leur cœur : aujourd’hui ils sont modérés, raisonnables ; allez les entendre le lendemain, ils seront intolerans, extravagans. Ce ne sont que des mots qu’ils profèrent : peu leur importe même qu’ils se contredisent, pourvu que leurs trois points soient remplis. J’en ai entendu un qui pilloit l’Encyclopédie, & qui déclamoit contre les Encyclopédistes.