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pables ont auprès d’eux des gens qui leur inspirent le répentir, qui amollissent peu-à-peu leur cœur endurci, qui l’ouvrent par degré aux charmes purs de la vertu, dont les attraits se font sentir à l’homme le plus dépravé.

Voyons-nous le médecin au premier accès d’une fievre violente abandonner le malade à la mort ? Pourquoi n’agiroit-on pas de même avec ceux qui se sont rendus coupables, mais qui peuvent s’améliorer ? Il y a peu de cœurs assez corrompus pour que la persévérance ne puisse les corriger ; & peu de sang versé à propos cimente notre tranquilité & notre bonheur.

Vos loix pénales étoient toutes faites en faveur des riches, toutes imposées sur la tête du pauvre. L’or étoit devenu le dieu des nations. Des édits, des gibets entouroient toutes les possessions ; & la tyrannie, le glaive en main, marchandoit les jours, la sueur & le sang du malheureux : elle ne mit point de distinction dans le châtiment, & accoutuma le peuple à n’en point voir dans les crimes : elle punissoit le moindre délit comme un attentat énorme. Qu’arriva-t-il ? La multitude de ces loix multiplia les crimes, & les infracteurs devinrent aussi cruels que leurs juges : ainsi le législateur, en voulant unir les membres de la société, serra les liens jusqu’à produire des mouvemens convulsifs. Au lieu de soulager, ces liens déchirerent, & la