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d’une chemise ensanglantée. Il se frappoit la poitrine avec toutes les marques d’un repentir sincere. Son front ne présentoit point cet accablement affreux, qui ne convient point à un homme qui doit savoir mourir lorsqu’il le faut & sur-tout lorsqu’il a mérité la mort. On le fit passer auprès d’une espece de cage, que l’on me dit être le lieu où l’on avoit exposé le cadavre de l’homme assassiné. On le conduisit à cette grille ; & cette vue porta dans son cœur de si violens remords qu’on lui permit de se retirer. Il s’approcha de ses juges ; mais il ne mit un genou en terre que pour baiser le livre sacré de la loi. Alors on l’ouvrit, & on lut à haute voix l’article qui regardoit les homicides ; on le lui mit sous les yeux, afin qu’il le lût. Il tomba à genoux une seconde fois, & s’avoua coupable. Le chef du Sénat, monté sur une estrade, lut sa condamnation d’une voix forte & majestueuse. Tous les conseillers, ainsi que les avocats, qui s’étoient tenus debout, s’assirent alors pour annoncer que nul d’entr’eux ne prenoit sa défense.

Après que le chef du Sénat eut achevé la lecture, il tendit la main au criminel & daigna le relever, en lui disant : « il ne vous reste plus qu’à mourir avec fermeté, pour obtenir votre pardon de Dieu & des hommes. Nous ne vous haïssons pas ; nous vous plaignons, & votre mémoire ne sera pas en horreur parmi nous. Obéissez volon-