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MÉLANGES.

À M. GUIZOT, MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE.


                    Dans une route défleurie,
Sous un ciel froid qu’oublie un soleil bienfaisant,
                    Je n’ai rencontré, pour ma vie,
Qu’indigence, regrets, vains désirs… et pourtant
J’ai peur de la quitter cette existence amère,
Et je viens vous crier : Sauvez-moi pour ma mère !
Pour elle qui, sans moi, ployant sous son chagrin,
Seule au monde de l’âme, à ceux dont sa misère
En cherchant la pitié trouverait le dédain,
                    Irait, dans sa douleur cruelle,
Dire : « Ma fille est morte ! ô donnez-moi du pain !
Du pain, je n’en ai plus, pauvre enfant ! c’était elle
                    Dont le sort faisait mon destin [1]. »
Ah ! que ce cri jamais à ses lèvres n’échappe.
Quelque acéré que soit le glaive qui me frappe,
                    Que Dieu ranime dans mon sein
Le pâlissant flambeau de ma triste existence ;
Que, rendue à ma mère, et calmant sa souffrance,
Je lui donne mes soins, je charme ses vieux ans,
On prenne dans mon cœur ma part de ses tourments !

  1. Le coup d’œil qu’Élisa jetait sur elle mourant à la fleur de l’âge, sur le sort de sa pauvre mère réduite à mendier son pain, lui causa une émotion si violente, qu’il lui prit un vomissement de sang qui pensa lui ôter la vie.