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GILFORT.

Je connais, comme toi, ce qu’éprouve ton cœur.
Non, tu n’as pas besoin que l’éclat l’environne ;
Pourtant qu’il serait beau, paré d’une couronne,
Ce noble front empreint d’amour et de candeur.

JANE.

Mon ami, le repos fuit loin de la grandeur.
Si le ciel avait dû m’asseoir au rang suprême,
Si je devais sentir le poids d’un diadème,
Lorsque mille tourmens me viendraient alarmer,
Pourrais-je consacrer tous mes jours à t’aimer ?
Malgré soi, la puissance est toujours inquiète ;
Le trône ne vaut pas le prix dont on l’achète,
Mais toi, qui t’a dicté ce langage inconnu ?
Quel vœu d’ambition dans ton âme est venu ?
Toi qui, ne désirant qu’une obscure fortune,
Voyais dans la grandeur une charge importune,
Qui, fier et satisfait du nom de mon époux.
N’avais trouvé que moi dont tu fusses jaloux ?

GILFORT.

Pourquoi donc m’accuser ? Ton ami trouve encore
L’objet de son orgueil dans celle qu’il adore ;
Contemplant enivré tant de grâce et d’attraits,
Gilfort te semble-t-il, lorsqu’il t’aime à jamais,
Coupable de penser en voyant son amante
Qu’il manque une couronne à sa tête charmante ?
De beautés, de vertus, assemblage parfait,
Pour être à tes genoux, le monde semble fait.
Je voudrais, ah ! pardonne au respect qui m’entraîne,
Comme épouse, t’aimer, te servir comme reine,
Comme amant et sujet, obéir à tes lois.