Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/633

Cette page n’a pas encore été corrigée

Après que j’eus fini, MM. Monrose, Joanny et Granville me donnèrent de grandes louanges sur mon ouvrage. M. Taylor ne m’en donna que sur la manière dont j’avais lu ma pièce. Je lui demandai quel était le résultat de ma lecture, il me dit qu’il me le ferait savoir le lendemain. J’attendis en vain cette décision. Voyant que trois jours s’étaient écoulés sans que je susse mon sort, nous nous hasardâmes, maman et moi, à aller chez M. Taylor ; nous ne le trouvâmes point. Ne pouvant supporter plus long-temps cette incertitude, nous fumes chez M. Joanny ; je lui demandai quel était l’arrêt porté sur ma tragédie. Il parut étonné que je n’eusse point reçu de réponse. Voici ce que me dit M. Joanny :

« Je vais vous apprendre une chose que vous ignorez sans doute, mademoiselle ; M. Taylor vous a forcée à lire devant un comité de trois membres.

— Mais, monsieur, dis-je à M. Joanny, vous étiez cinq, cependant.

— Nous n’étions que trois membres, mademoiselle ; car M. Taylor et son secrétaire n’ont pas de voix. Songez qu’un comité doit être de sept ou de cinq. Nous vous avons donné tous les trois notre suffrage ; M. Taylor s’est seul opposé à la réception de votre tragédie. Il voulait que nous fissions comme lui ; mais, voyant que nous persistions à recevoir votre pièce, et que nous lui déclarions que nous, théâtre littéraire, nous ne pouvions dans notre âme et conscience refuser une œuvre littéraire, qu’il fallait que votre tragédie fût acceptée, et que, reçue, elle devait être jouée, parce que ce n’était point un ouvrage de ce mérite que l’on devait renfermer dans des cartons, alors il nous a dit que seize ans auparavant on avait joué à Feydeau un opéra sur les Abencerrages, qu’il avait eu beaucoup de succès, et que cela pouvait avoir usé le sujet. Comme M. Taylor ne vous a donné que la minorité du conseil, nous n’avons pas le droit de décider ; mais voici la marche que vous avez à suivre. Si M. Taylor vous dit que votre tragédie est acceptée, tenez-vous-en là. Mais, s’il vous dit qu’elle est refusée, voici ce que vous