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Il coule donc partout, ce sang inépuisable !
Partout !… Et si la trace en est ineffaçable !…
S’il en a rejailli quelque goutte sur moi !…

(Il regarde ses vêtemens.)

Mais non, je n’en ai pas… J’ai cru, dans mon effroi,
En sentir près du cœur une goutte brûlante…
Hélas ! mon crime seul me suit et m’épouvante !
C’est lui qui dans mon âme a jeté tant d’horreur.

(Il regarde autour de lui d’un air effrayé.)

Mais, dans quels lieux encor m’a conduit ma fureur !
Quoi ! c’est partout la mort, ou l’apprêt d’un supplice ?
Pour qui cet échafaud, ce bûcher, cette lice ?
Pour elle ! Dieu puissant, pour elle ! Ah ! dans un jour
Quels forfaits ont commis la vengeance et l’amour !
Combien de pas marqués sur le chemin du crime !
Elle a donc mourir, et mourir ma victime ?
Mais, d’où vient ma pitié pour qui m’a pu trahir ?
Ah ! j’ai perdu, je sens, le droit de te haïr !
Je ne puis que te plaindre, hélas ! d’être coupable !
Coupable ! l’es-tu bien ? Ciel, quel doute m’accable !
Si tu ne l’étais pas !… si ma crédulité…
Achève, Dieu puissant ! je l’ai trop mérité.
Que dans ce jour affreux ta céleste vengeance
Me l’enlève, et m’apprenne après son innocence.


Scène II.

BOABDIL, ALY.
ALY, à part, en observant Boabdil.

Que vois-je ? Boabdil ?… Cet air sombre, abattu…

(Haut.)

Ici, roi de Grenade, oh ! ciel ! et qu’y fais-tu ?

BOABDIL, sèchement.

Moi, j’y viens contempler les effets de ma rage.