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Vous semblez oublier, madame, en ce moment ;
Que je dispose seul des jours de votre amant ;
Qu’un refus peut le perdre ainsi que votre gloire ;
Et qu’en vous accusant je puis me faire croire.

ZORAÏDE, avec horreur.

Je comprends ; vous m’osez proposer sans pudeur
De perdre la vertu pour conserver l’honneur.
Vous pensez que, comblant votre indigne espérance,
Je pourrai, d’un tel prix payant votre silence,
Jusqu’à vous écouter m’abaisser aujourd’hui…

ALY.

Vous me bravez pour vous ; vous m’entendrez pour lui !

ZORAÏDE, avec fermeté.

Non, dût-il en ces lieux m’en supplier lui-même.
J’ai pu trahir l’amour pour sauver ce que j’aime.
Préférable à sa mort, quoi qu’il m’en ait coûté,
À choisir mon malheur je n’ai point hésité.
Je l’ai dû ; mais s’il faut que je me déshonore,
Cruel, n’attendez pas que je le sauve encore !

ALY.

Libre à vous. Mon amour vous paraît un affront,
Je le sens, la beauté ne pare plus mon front ;
Il est tout sillonné par la gloire et par l’âge,
Et trente ans de victoire y marquent leur passage.
Mais si le temps m’ôta le droit de vous charmer,
Il n’a pu me ravir celui de vous aimer.
Ce n’est pas au matin que le soleil dévore ;
Le cœur ne pourrait-il brûler qu’à son aurore ?
Faudrait-il pour aimer être jeune toujours ?
Ne sentirait-on rien au déclin de ses jours ?
Ce sont nos passions qui font notre jeunesse ;
Quand des miennes enfin j’ai conservé l’ivresse,