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Eh bien ! faut-il moi-même exciter votre rage ?
Contre moi ranimer votre lâche courage ?
Frappez, car vous devez avoir soif de mon sang ;
Que vos coups réunis en épuisent mon flanc.
Satisfaites enfin votre odieuse envie ;
Frappez, ouvrez ce cœur, arrachez-en la vie !
Mais si de la pitié, dans cet affreux moment,
Il reste dans votre âme un dernier sentiment,
Si je puis l’invoquer de ma voix expirante,
Sauvez au moins l’honneur d’une femme innocente !
Ah ! sauvez-le ; dût-elle être immolée aussi !
Frappez-moi ! mais, pour Dieu ! loin d’ici, loin d’ici !

ALY.

Soin touchant !

ABENHAMET.

                            Ciel vengeur, de cet indigne outrage
Tu ne le punis pas ?

ALY, ironiquement.

                                    Lorsque l’Abencerrage
Porte dans les combats le vêtement guerrier,
On lui voit pour emblème, et sur son bouclier,
Un lion enchaîné par la main d’une femme ;
Ainsi…

ABENHAMET.

              N’achève pas ; je t’ai compris, infâme !
Oh ! oui ! c’est vainement qu’il rugit de fureur.
Le lion qui s’est pris dans les rets du chasseur !
En vain il se débat dans sa force inutile,
Mais s’il pouvait soudain, quand le chasseur tranquille,
Orgueilleux de sa ruse, insulte à son effort,
Du piège s’élancer aussi libre que fort,
Celui qui l’insultait, alors moins téméraire,
Peut-être n’oserait défier la colère