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ZORAÏDE, sans voir Aly et les trois Zégris.

Et moi, quand j’ai formé ces nœuds que je déteste,
Sais-tu combien mon cœur s’est livré de combats ?
Non ! deux fois dans sa vie on ne les ressent pas,
Ces craintes, ces tourmens qu’en vain on voudrait rendre,
Que celui qui les souffre, hélas ! peut seul comprendre !

ABENHAMET.

Va, s’il était un mot qui pût donner la mort,
Ce que je viens d’entendre aurait fini mon sort.
Quoi ! tu ne sais donc point de parole qui tue ?
La mort ne vient donc pas quand elle est attendue ?
Comme elle tarde ! Eh bien ! il la faut devancer !
Il faut enfin…

ZORAÏDE, lui arrachant le poignard.

                            Oh ciel ! quel odieux penser,
Tout mon sang vers mon cœur se retire et se glace !
Malheureux !

ABENHAMET.

                        De mes jours que veux-tu que je fasse ?
Loin de tout ce qu’il aime, et de honte accablé,
Est-il quelque bonheur qui reste à l’exilé ?
Irai-je défier, pour lutter de courage,
À défaut d’ennemis, quelque tigre sauvage ?
Irai-je, quand c’est toi, c’est l’honneur que je perde,
Fatiguer de mes cris les échos des déserts ?
Non ! j’ai perdu le droit de servir ma patrie :
C’est un bien que la mort, quand la gloire est flétrie.
J’avais cru pouvoir vivre, et je suis détrompé.
Des plus horribles coups le destin m’a frappé ;
L’existence est pour moi d’u^n poids insupportable ;
Et puisque dans mon sort tout espoir est coupable,
Laisse-moi donc mourir !