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BOABDIL.

Non, toujours leurs vertus ont trompé ma fureur,
Empêché ma vengeance, et, s’il faut te le dire,
Ces vertus qu’à la fois je déteste et j’admire,
M’affermissent encor dans ma haine contre eux ;
Lorsque braves soldats, citoyens généreux,
Même aux yeux de l’envie ils sont irréprochables,
Je sens que je voudrais qu’ils devinssent coupables ;
Et (d’un pareil souhait devrais-je convenir),
Je voudrais acheter le droit de les punir !

ALY.

Eh quoi ! ne l’as-tu pas ? Est-ce en vain que ton père
Jadis par leurs conseils répudia ta mère ?
L’as-tu donc oublié ?

BOABDIL.

                                        Ma mère ! Dieu puissant !

ALY.

Eh bien ! fils d’Aïxa, sois fidèle à ton sang.

BOABDIL.

Ma mère ! oh ! devais-tu t’attendre à cet outrage !
Devais-tu le subir, toi ?

ALY.

                                          Si son fils partage
L’horreur qu’elle en ressent, venge-la de l’affront
Dont un époux trop faible a fait rougir son front.
Que dis-je ! n’attends pas que le poignard d’un traître…

BOABDIL.

De ma raison déjà je ne suis plus le maître ;
Cette raison qui fuit me laisse à ma fureur.
Quoi ! malgré soi, faut-il aimer avec ardeur !