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Peut-être… si l’espoir où mon cœur s’abandonne
N’est point un fol orgueil, un vain pressentiment,
Elle est prête à finir la nuit qui m’environne.
Oui, le temps peut aussi m’apporter ce moment,
Dont le pouvoir domine une existence entière,
Si, daignant, ô mon prince, accueillir ma prière,

    Je ne vis jamais politesse plus respectueuse que celle du prince ; courbé jusqu’au niveau du front de la jeune fille qui lui parlait, il resta dans cette posture tout le temps qu’elle mit à lui exposer l’objet de sa demande, qui consistait, comme on l’a vu par ce qui précède, à obtenir qu’il voulût bien assister à la lecture qu’elle devait faire de sa tragédie chez la princesse Bagration, ce qu’il lui promit avec une grâce parfaite. Trop heureux, lui dit-il, s’il pouvait, par sa présence, contribuer au succès de sa pièce, ce dont Élisa ne doutait nullement, car elle pensait qu’en la lisant devant une telle autorité et devant les ministres et les ambassadeurs, que cette lecture ferait nécessairement beaucoup de bruit dans le monde, et que M. Taylor, qui penserait bien que tous les personnages que je viens de citer s’empresseraient d’assister à la représentation, ce qui attirerait la foule, ne s’opposerait plus à ce qu’elle fut représentée (*). C’était cette pensée aussi qui avait porté la princesse Bagration à proposer cette lecture à Élisa. La pauvre enfant était si heureuse de l’idée que sa tragédie pourrait avoir du succès, qu’elle nageait, si je puis me servir de cette expression, au milieu d’un océan d’espérance de bonheur ; elle voyait ses projets d’enfance près de se réaliser ; sa tragédie allait me rendre riche, nous allions être heureuses ; mais le temps ne tarda

(*) Il y avait dix mois, lors de l’époque dont je parle, qu’Élisa avait lu sa tragédie aux Français, et que M. Taylor, bien qu’elle eût été reçue à l’unanimité, comme on le verra par sa lecture, qui est après sa pièce, s’était opposé à sa représentation.