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Encore, si mes maux, si mes chagrins n’étaient qu’à moi seule, j’aurais peut-être du courage pour les supporter ; mais leur poids m’accable quand je pense qu’il pèse aussi sur ma pauvre mère : on manque plutôt de force pour la souffrance des autres que pour la sienne, et je souffre des tourmens de ma mère comme elle souffre de ceux de sa fille !… Du moins, si je pouvais travailler ! Mais comment retrouver une pensée poétique au milieu de tant de pensées douloureuses, de tant d’inquiétudes d’avenir ? Comment soulever le poids affaissant de mon sort pour respirer en liberté l’air de l’inspiration ? Non, le temps passe, mon travail pourrait me sauver ainsi que ma mère !… Et le spectre du lendemain, fantôme aux mille formes bizarres, mais toutes effrayantes, est là, devant moi, toujours là ! comme l’implacable geôlier de ma pensée prisonnière… Rien encore ! rien !… et cependant…

Tel dans ces tristes jours, honte de notre histoire,
Ces jours où comme un crime on punissait la gloire,
Chénier, lorsqu’à son tour le bourreau l’appela,
Dit, frappant d’une main convulsive et brûlante
Le front qu’il présentait à la hache sanglante :
        J’ai pourtant quelque chose là !