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Je m’élançai vainqueur loin des routes vulgaires ;
Le sort me foudroya près d’atteindre les cieux.
Seul j’ai rivalisé le héros du Granique,
Et je meurs ; l’avenir, comme un écho magique
Qu’une jalouse voix en vain étoufferait,
Redira le serment d’une immortelle haine,
La rive du Tésin, et Canne, et Trasymène,
Redira… Mais d’où vient tout à coup qu’il se tait ?

Dieux ! qu’il n’achève pas ! voluptés de Capoue,
Sommeil de mon courage un instant amolli,
Lâche et fatal repos qu’Annibal désavoue,
Qu’on livre ton image aux serres de l’oubli.
Loin de moi ces instans ! qu’ils meurent pour l’histoire.
Les jours où de son fils s’éloignant la victoire,
Mon glaive inoccupé fut pesant pour mon bras !
Où m’endormant bercé par un songe frivole,
Le tonnerre tomba, lancé du Capitole,
Sur celui qui jadis méprisait ses éclats !

Du joug de son effroi que Rome enfin soit libre,
Assez de mes succès l’univers fut rempli ;
Assez j’ai fait pencher l’incertain équilibre,
Sous un bras de géant maintenant affaibli.
Je meurs, dernier flambeau qui brille sur Carthage,
À ses lâches enfans je ferme le passage
Que m’ont frayé la haine, et l’audace, et l’honneur ;
Carthage aux pieds de Rome ose prier tremblante,