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D’un feu près de s’éteindre, ah ! ranimons la flamme !
De mes jours au déclin, que la parque réclame,
Entre ses doigts tremblans va se rompre le fil.
Celui qui chante et cédera son instinct suprême,
Qui n’a vécu jamais qu’au-delà de lui-même,
Doit léguer sa mémoire à ses frères d’exil.

Dieu nous jette au hasard un moment sur la terre,
Et l’existence à l’homme est pesante ou légère ;
Ce qui lui semble un âge est à peine un seul jour.
L’un tombe au premier pas, quand un autre s’élève ;
Libres ou dans les fers, nous poursuivons un rêve
D’ambition, de gloire, ou d’ivresse, ou d’amour.

Et le mien (que les cieux prolongent ce délire !)
Est d’enchaîner la gloire au magique sourire ;
Et je poursuis encor mon songe inachevé.
Mais un vent m’a brisé comme un roseau fragile :
Ainsi le voyageur qui cherchait un asile,
Le soir, sur le chemin, dort sans l’avoir trouvé.

Aussi, pourquoi ce rêve ? Ici-bas le poète,
Chaque jour repoussé par la pitié muette,
N’a jamais que de loin contemplé le bonheur ;
Et de gloire et d’oubli s’abreuvant tout ensemble,
Sans le trouver cherchant quelqu’un qui lui ressemble
N’a pas un sein ami pour appuyer son cœur.