Fleuve toujours voilé d’un frais et doux ombrage,
Il n’est donc point d’hiver sur tes bors éternels ?
Quoi ! jamais agité ? Quoi ! pas un seul orage ?
Et ce calme convient à l’esprit des mortels ?
Ah ! dans tes flots on perd les pensers de la vie :
Dans les champs du repos, du bonheur sans désir,
De ses émotions l’âme n’est point suivie ;
Là, c’est un long présent qui n’a point d’avenir.
L’âme, en fuyant la terre en rejette la chaîne ;
Heureuse, elle se plaît dans l’immobilité ;
Chaque siècle qui tombe et que ton onde entraîne
N’est qu’un éclair nouveau que voit l’éternité.
Là, jamais ne s’échappe une heure fugitive
Que le sable jadis marquait à petit bruit ;
L’homme ne penche plus une oreille craintive
Pour écouter le temps qui le frappe et s’enfuit.
Là, n’est jamais aux cieux le semblant d’un orage,
C’est toujours sous leur voûte une aurore, un printemps,
Aux timides zéphyrs effleurant ton rivage,
Les fleurs livrent toujours leurs parfums enivrans.
Sans cesse de la lyre un son divin s’exhale,
Se prolongeant dans l’air qui doucement frémit.
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