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qu’elle a vécu : ce temps de notre vie passé tout entier dans les bras d’une mère ou d’une nourrice, ne pourrait offrir, quelle que fût la minutie de ses détails, rien de bien intéressant pour le lecteur ; car ce ne peut être du premier sourire qui se posa sur ses lèvres enfantines, et que mes yeux contemplèrent avec un indicible bonheur, ni du premier pas qu’elle essaya dans le chemin de la vie, où elle a si peu marché, qu’il doit désirer que je l’entretienne ; ce ne peut être non plus le premier mot qu’elle bégaya, quoi qu’il eut pour mon oreille une si suave harmonie, qu’il doit lui importer de connaître, ce ne doit être que ses pensées, et ce sont elles que je vais lâcher de classer par ordre.

Élisa n’avait que trois ans et quelques mois lorsqu’elle fit une remarque qui me prouva que le temps ne passait point inaperçu devant elle, ou qu’il ne se plaçait point dans sa mémoire comme le souvenir d’un jouet que la vue d’un autre jouet efface, mais comme un livre dont sa pensée retournerait souvent les feuillets.

Nous étions arrivés à cette époque de l’année où le jour, après avoir fait reculer la nuit, se trouve forcé de reculer à son tour. Jusque-là,