Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée


J’ai pourtant autrefois dévoré l’existence,
Sans pouvoir soupçonner le passé, l’avenir ;
Ce n’était qu’un présent embelli d’espérance :
Rien ne m’avertissait qu’il était près de fuir.

Pour emporter nos jours, que le temps marche vite !
Qu’il est lent, quand il vient amener le bonheur !
On dit qu’un souvenir console de sa fuite :
Le souvenir toujours existe-t-il au cœur ?

Le temps l’emporte aussi : l’infidèle mémoire
À l’oubli rarement arrache le passé ;
Et mes songes d’amour, ceux que rêvait la gloire,
Ne sont plus qu’un lointain déjà presque effacé.

Que j’aimais, au réveil de la terre embellie,
Voir les roses s’ouvrir sur des rameaux naissans !
Et quand je ne trouvais qu’une feuille jaunie,
Pour oublier l’hiver je songeais au printemps.

Que de fois, attentive aux plaintes de ma lyre,
Doucement la beauté me sourit, écouta ;
Et que de fois, rempli d’un passager délire,
Son cœur, pour m’enivrer, sur le mien palpita !

À mon âme brûlante une âme fut unie ;
Je crus lire mon sort dans un touchant regard :