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Il meurt, l’ombre déjà rembrunit le feuillage,
Et le souffle du soir agite le ruisseau,
Dont le flot fugitif a balancé l’image
De ces fleurs que peignit le doux reflet de l’eau.
Mais le ruisseau demain rafraîchira les roses,
Elles retrouveront son mobile miroir
Et moi, comme les fleurs qui s’effeuillent écloses,
La Mort va me cacher sous les ailes du Soir.
J’ai froid, et je voudrais m’attacher à la vie ;
De ce cœur, pour t’aimer, ranimer la chaleur.
Tel, après ses adieux, un tremblant voyageur
Jette un dernier regard vers la douce patrie.
Quoi ! des larmes ?… toujours ?… en vois-tu dans mes yeux
Je suis bien faible, ami, j’ai pourtant du courage ;
On en devrait verser quand on meurt à mon âge ;
Moi, je ne pleure pas en regardant les cieux.
    Plaintif ruisseau, qui faiblement arroses
Ce gazon embaumé de suaves odeurs,
Près de tes bords cachés sous des touffes de fleurs
Qu’on doit bien sommeiller à l’ombre de ces roses !
    Lorsque pour toi s’éveillera le jour,
    Je dormirai seule dans le bocage ;
En attristant l’écho de tes soupirs d’amour,
Viens ici quelquefois rêver à mon image.
    Là, quand tes yeux me chercheront en vain,
Mon âme à tes soupirs descendra sur la terre ;
Tu la respireras ; et cette âme légère,
S’égarant dans ton souffle, ira brûler ton sein.