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Ah ! pour moi chaque instant qui s’écoule sans gloire
Est un siècle fané par la main de l’Oubli !
Mais toi, chantre sublime, à la voix immortelle,
Demain, si tu l’entends, la mienne qui t’appelle
Aura des sons plus purs que ses chants d’aujourd’hui.
        Ainsi l’on voit le faible lierre
        Mourir lorsqu’il est sans appui :
Si le chêne lui prête un rameau tutélaire,
Il s’attache, il s’élance, il s’élève avec lui.

Voyez de ce roseau trembler la faible cime,
Au moindre souffle il penche et frémit sur l’abîme.
Ah ! bravons l’aquilon qui le vient agiter !
S’illustre-t-on jamais quand on n’ose monter ?
Le cèdre s’est caché sous le voile de l’herbe,
Avant qu’arbre géant il grandît à nos yeux ;
        Il monte encor, son front superbe
        S’étend, et s’approche des cieux !

Passagers d’un moment, sans effroi du naufrage
Gaîment de notre asile abandonnons le seuil.
Eh ! qu’importe, après tout, que, pendant un orage
Notre vaisseau brisé nous jette sur l’écueil !
Sur les flots moins émus si notre voile flotte,
Passons, mêlons un hymne aux chansons du pilote.

        À toi-même, dans ton matin,
Le Bonheur qui fuyait oublia de sourire ;