Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tes longs yeux découvraient, dans le désert des nuits,
Quelque astre sympathique à tes jeunes ennuis ;
Tu te chantais au ciel, à ta mère bénie,
Qui t’appelait son jour, sa naissante harmonie !
Et le ciel et ta mère et les flots et les monts,
À tes cris : Aimez-moi ! répondaient : Nous t’aimons.
Mais, Péri passagère et vouée à la flamme,
La cité lumineuse éblouissait ton âme,
Et, risquant ta faiblesse à d’arides chemins,
Pour enhardir ton vol, on te battait des mains ;
Croyant qu’il est partout des brises embaumées,
Tu vins heurter ton cœur à des portes fermées ;
Tu dis long-temps : « C’est moi ! je passe… il faut m’ouvrir ! »
La réponse fut lente, et tu viens d’en mourir.
L’harmonieux tourment tremblait dans ta parole,
Mercœur ! Ton premier chant couvait un cri d’adieu :
Ce cri poussé, perdu dans un écho frivole,
Était grave pourtant : il s’adressait à Dieu !
Que lui demandais-tu ? de l’air libre et des ailes ;
Tu les as ! Nous vois-tu traîner nos pieds sous elles ?
Porter pierre sur pierre à ton doux monument,
Pour charmer ta jeune ombre en son isolement ?
Pour dire au temps : « Voyez, elle était jeune, aimée ;
Elle avait une voix qui survit à la mort ;
Une âme dont la forme est vite consumée ;
Un espoir qui s’allume et s’éteint sans remord :
Un soupir, s’il vous plaît, à la poète fille ;
Une brise au gazon qui la couvre déjà ;
Une fleur sur son nom qui se cache et qui brille ;
Un regret au roseau que le vent détacha ;
Une larme à sa mère… elle vit après elle !
Sans pleurer son enfant ne vous éloignez pas :
Ces cyprès verseront, dans leur culte fidèle,
Un chant à votre oreille et de l’ombre à vos pas ;
Un soupir ! un soupir ! l’horloge s’est trompée,