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vrit le buffet, coupa un morceau de pain, prit une grappe de raisin et revint dans la chambre chercher dans le secrétaire tout ce qu’il lui fallait pour écrire ; puis, poussant la porte d’un cabinet qui se trouvait entièrement éclairé par le clair de lune, elle y entra, s’assit sur un petit tabouret, posa son écritoire sur le plancher ; et, tout en mangeant son pain et son raisin [1], écrivit quatre-vingt-huit vers sur la cantatrice dont la voix l’avait tant charmée (c’était une espèce d’allégorie), revint se coucher, dormit tranquillement, sa fièvre était passée. Le lendemain, lorsqu’elle eut revu ses vers et qu’elle les eut copiés au net, elle les plia et les mit dans son sac.

« Comme c’est aujourd’hui le jour de leçon de madame Smith, me dit-elle, et que pour aller chez elle je suis obligée de passer devant l’imprimerie de M. Mélinet Malassis [2], je vais

  1. Depuis lors, Élisa ne ressentit jamais d’inspiration poétique sans éprouver un besoin de manger qui l’aurait rendue fort malade si elle n’avait pu le satisfaire. Comme l’inspiration lui arrivait toujours au moment où elle s’y attendait le moins, elle avait pris le parti, pour ne pas se trouver au dépourvu lorsqu’elle était hors de la maison, d’emporter dans son sac de quoi manger.
  2. Nom de l’imprimeur et libraire qui, en 1827, imprima et publia, à Nantes, la première édition des Poésies d’Élisa Mercœur.